Philippe Mull : “Accompagner les jeunes du Pôle au quotidien, les faire avancer … c’est aujourd’hui ce qui me motive”

Philippe Mull, écuyer du Cadre noir de Saumur, est l’entraîneur des cavaliers du Pôle France relève FFE* de concours complet depuis plusieurs années maintenant. Il a ainsi vu plusieurs cavaliers français évoluer vers le haut niveau. Encore cette année, il accompagne trois cavalières du Pôle sélectionnées pour les championnats d’Europe jeunes cavaliers. Rencontre avec un pilier de ce projet, véritable tremplin pour les champions de demain.

 

Joséphine Héteau, championne de France jeunes cavaliers, sur le podium avec Philippe Mull

– Comment est né le Pôle France relève de la FFE, basé à Saumur, tel que nous le connaissons aujourd’hui ?

– Le Pôle France jeunes (relève aujourd’hui) de concours complet a été créé il y a maintenant 13 ans, en 2009. J’étais à cette période entraîneur national des Juniors et Jeunes cavaliers. C’est également à cette période que la formation initiale a été créée, dans laquelle j’avais quelques jeunes. A cette époque, il n’y avait pas vraiment de structure d’accueil pour qu’ils puissent s’entraîner avec leurs propres chevaux. Avec Jacques Thiolat, directeur à l’époque, on a décidé de créer une structure, un pôle d’entraînement pour pouvoir accueillir ces jeunes en formation initiale, continuer à les entraîner dans le cursus Junior – Jeunes cavaliers sur le site de l’école.

C’était au départ une idée propre à l’école. Petit à petit, les choses se sont structurées jusqu’à la création du Pôle France jeunes à l’époque. J’étais à la fois entraîneur national et entraîneur du Pôle France jeunes. Le Directeur technique national (DTN) de l’époque m’a demandé de choisir pour ne pas être juge et partie. J’ai du coup opté pour l’entraînement des jeunes du pôle au quotidien. Ayant été entraîneur national pendant 14 ans, cela me permettait de voir une autre facette de l’entraînement. Aujourd’hui c’est un projet qui est vraiment intéressant car chaque jour est différent. Aucun concours ne se ressemble. Les saisons défilent à grande vitesse. On ne voit pas le temps passer !

 

– Comment sont sélectionnés et suivis les jeunes cavaliers avec la FFE ?

– Nous travaillons avec Michel Asseray, DTN adjoint au concours complet, Pascal Forabosco (sélectionneur national jeunes), Thierry Touzaint (entraîneur), en collaboration au quotidien pour suivre les jeunes qui arrivent, ceux potentiellement « sélectionnables » en équipe de France, ceux qui vont sortir du Pôle et qui sont amenés dans les années à venir à entrer en équipe de France.
C’était le cas d’Alexis Goury par exemple, de Maxime Livio, Astier Nicolas et d’autres. Ce système permet vraiment de faire la transition entre le Pôle et les équipes de France derrière pour ceux qui sont amenés à y entrer.

On a également cette possibilité de les faire entrer en pépinière d’entreprise, qui permet de préparer leur avenir tout en restant sur le site IFCE – Cadre noir. Ce système permet vraiment de faire cette transition entre les années jeunes cavaliers et les années seniors derrière.

 

– Au sein du Pôle, quel est ton rôle en tant qu’entraîneur ?

– Une journée type commence le matin par une séance de préparation physique : proprioception, gainage … On rentre ensuite dans les entraînements proprement dit et la programmation de concours en concours toutes les semaines. Je suis tout de A à Z sur le Pôle, de l’entraînement à la programmation, une partie de la préparation physique qui reste très spécifique de proprioception avant de se mettre à cheval le matin (l’autre partie étant assurée par Bamdad Memarian, entraîneur voltige) et la gestion des compétitions également.
Les jeunes cavaliers sont également suivis avec des consultations obligatoires. Ils consultent notamment un nutritionniste, un psychologue du sport, une accompagnatrice de la performance, un médecin du sport… Sans entrer dans le secret médical, je m’assure que ces consultations sont bien suivies.

 

– Comment s’organise le travail de manière globale sur le site de Saumur ?

– Nous formons une équipe avec Michel Asseray et le reste du staff fédéral qui marche bien. Les agents sur place, qu’ils soient vétérinaires, maréchaux-ferrants, soigneurs, préparatrice mentale et d’autres, sont parties prenantes et investis dans ce projet et on ne peut que les remercier.

Le fait d’être sur ce site nous permet d’aborder l’entraînement sous des aspects novateurs, notamment en termes de préparation physique, de travail sur la proprioception avec Alexis Moreau, podologue du sport, sur les profils avec Ralph Hippolyte … Grâce à ces travaux, on constate au fil des années que les jeunes sont beaucoup mieux à cheval, que ce soit sur le plat ou sur le cross, avec ce travail sur la posturologie et la préparation physique.

En étant positionné ici au Cadre noir de Saumur, cela nous permet d’aller sur des champs de connaissances qu’on n’aurait pas forcément l’occasion d’avoir ailleurs. On aborde les choses différement. Fréquenter d’autres experts nous permet d’échanger. C’est toute la richesse de l’établissement, avec un vivier d’expertise et de compétences que l’on n’a pas ailleurs, que ce soit chez les cadres ou encore les soigneurs.

 

– Certains chevaux de l’IFCE sont confiés aux jeunes. Comment cela les aide-t-ils dans le cadre de leur projet sportif ?

– Les écuyers du Cadre noir ont pour mission de former les chevaux. Ceux qui ne seront pas destinés à la formation, ni au piquet des galas du Cadre noir, sont mis à disposition des jeunes du Pôle pour progresser vers le haut niveau. Ils sont attribués selon le piquet de chevaux des cavaliers qui peut être souvent de faible densité ou manquer un peu de qualité pour des épreuves d’un niveau supérieur, ce qui permet de les épauler. C’est le cas actuellement de Vidoc de Loume*IFCE avec Joséphine Héteau, qui performent ensemble jusqu’au niveau 3*, et de Jade Bourguet avec Viktor de Diane*IFCE.

 

– Aujourd’hui, combien de jeunes environ sont passés par le pôle ? Qu’est-ce qui te marque le plus lors de leur passage ?

– C’est aujourd’hui entre 35 et 40 cavaliers qui sont passés par le Pôle. On compte parmi eux Maxime Livio, Alexis Goury, Héloïse Le Guern, Orlane Nadot, Stéphane Landois et bien d’autres cavaliers performants à haut niveau aujourd’hui. Pourvu que ça dure !

Outre le côté technique de ce projet, ce qui est marquant pour moi, c’est d’accompagner ces jeunes au quotidien, de les faire avancer, les accompagner dans leur choix de vie, leur performance, de mener leur double projet (sportif et scolaire). C’est aujourd’hui ce qui me motive et cela crée des relations privilégiées avec eux. On les voit grandir, évoluer et on continue de les suivre après. C’est le cas d’Héloïse, d’Alexis et d’autres. C’est toujours plaisant de voir que l’on a amené une pierre à leur édifice dans leur cursus sportif et professionnel ».

 

Philippe a eu la chance de croiser un cheval qui aura marqué sa vie : Viens du Fresne ENE-HN. Ils courrent ensemble en concours complet jusqu’aux Jeux équestres mondiaux en 1998 à Rome où ils décrochent l’argent par équipe.
Il se spécialise ensuite dans l’entraînement, en devenant entraîneur national, entraîneur du Pôle. Il suit ensuite pendant deux ans une formation Exécutive Master à l’INSEP. Celle-ci lui permet d’échanger avec des entraîneurs d’autres disciplines. Il développe ainsi ses compétences avec d’autres approches, sur le mental et le physique, et d’appréhender l’entraînement de manière différente.

*Fédération française d’équitation